Prix Adagio

Prix de carrière, le Prix Adagio est attribué aux deux ans par le conseil d’administration du Salon du livre de Trois-Rivières. Il est remis à un auteur de la Mauricie ou du Centre-du-Québec qui a marqué la scène littéraire d’ici et d’ailleurs par la qualité exceptionnelle de son travail d’écriture.

Cette année, le conseil d’administration du Salon du livre de Trois-Rivières a décidé de décerner le Prix Adagio à Monsieur Guy Marchamps. Le prix lui a été remis lors d’un 5 à 7 festif organisé au Café-Bar Zénob, le mercredi 26 février 2025.

Gagnant 2025

  • Guy Marchamps

     » Quelque chose de nous est « en mouvement », pour reprendre le thème du Salon du livre de cette année. Et le prix Adagio s’inscrit dans ce mouvement. Il renvoie à la durée, au temps long, à cette lenteur où les poèmes, telles des notes, blanches et noires, disciplinées ou rebelles, tristes ou gaies, modulent le chant d’une vie.

    Dans « Le procès d’une chenille », un conte de Félix Leclerc, tiré de son recueil Adagio, une chenille est frappée de laideur parce qu’elle se déplace à plat ventre, qu’elle reste sans défense, et qu’elle n’ose même pas lever les yeux contre ses accusateurs; personne ne lui reconnaît une quelconque beauté, ne lui attribue une certaine valeur ; la chenille se tait, perd foi en elle-même, s’en remet aux cieux, jusqu’au jour où, de manière inattendue, par on ne sait quel sursaut de fierté, elle se rêve papillon, devient papillon, et invite les chenilles de son entourage à se rêver, elles aussi, papillons, à devenir papillons.

    Le poète sait que « certains mots se taisent si fort qu’ils nous forcent à dire le silence » et permettent ainsi les plus subtiles métamorphoses. Il arrive, en effet, qu’un enfant des ruelles puise son énergie, sa faconde, son audace, dans le silence de ses parents. Un silence qu’il devine porteur de caractères d’imprimerie. L’enfant des ruelles joue avec les mots, la grammaire, les images. Se doute-t-il qu’un jour prochain il écrira : « Toute la nuit, j’ai laissé la langue allumée », qu’un vers comme celui-là, comme plusieurs autres de ce fils d’ouvrier, seront gravés dans de solides bancs de granite rouge, posés en face du fleuve, à la place d’une ancienne usine, et que cette œuvre, du sculpteur Roger Gaudreau, alliée aux poèmes de Guy Marchamps, constituera une Flotille hospitalière, un art de bienvenue, pour tout visiteur, tout immigrant, tout être humain en quête de sens ? Il est des pierres vivantes, qui resteront vivantes longtemps après nous.

    Notre enfant des ruelles a le sens de l’amitié. Il l’a toujours eu. Comment aurait-il pu écrire son « Poème d’amour à l’humanité » sans répandre les bienfaits de l’amitié ? On est reçu chez lui, on se sent aussitôt chez soi. Rabelais sert de guide. Le vin coule. Défilent les plats. Éclatent les rires. La vie dans toute sa verdeur. Toute sa candeur. Aucune hiérarchie. Aucun protocole. Nul jeu de pouvoir. La vie enfin libre de tout artifice. La vie d’adulte mêlée à la vie d’enfant. Où l’on rêve à l’envers. Où « les voyelles sont toutes nues » quand « elles sortent de la douche ». Où l’on sait que « [p]our l’éléphant / ne pas voir plus loin / que le bout de son nez / c’est déjà pas mal ». Où les grandes leçons de sagesse se trouvent peut-être dans les plus petits recueils de poèmes. Comme dans les plus discrètes pensées : « Le ver à soie est si doux / qu’il n’a pas d’égal, / ni d’ego. / Il tisse sa vie / puis s’en va sans faire de bruit ». J’aimerais que tous les enfants du Québec et d’ailleurs méditent le Bestiaire de Guy Marchamps, si bien illustré, animé, par l’artiste Jean-Pierre Gaudreau.

    Parlons des livres. Chez Guy Marchamps, ils envahissent toutes les pièces. Du sous-sol à l’étage, ils se multiplient. Des boîtes de livres disparaissent soudain, une vente massive, quelques mètres carrés soupirent, à peine un jour ou deux, puis d’autres boîtes pleines de livres s’entassent à nouveau, les poutres craquent, les murs tremblent, les proches s’inquiètent : va-t-on bientôt retrouver sous les décombres un ancien libraire, trop amoureux des livres, pour être un tant soit peu raisonnable? Les paris sont ouverts. Et si j’ose dire, les rassureurs, désespérés.

    Maintenant, connaissez-vous Claire ? La sœur de Guy Marchamps ? Sainte Claire, ajouteraient ceux et celles qui la côtoient. Claire dont l’éclat se manifeste tantôt par un rire, tantôt par un échange fortuit de syllabes. Ma mère incarnait aussi cette bonne humeur, parlait aussi la langue des virtuoses malgré eux. J’aime revoir Claire, j’aime l’entendre, j’aime qu’elle me rappelle chaque fois ma mère, dans une même chaleur du verbe, dans une même tendresse envers quiconque éprouve un malaise, un chagrin, une affliction. Le peintre Régent Ladouceur, Guy et moi avons l’habitude d’emprunter la voiture de Claire en vue d’une escapade au chalet, d’une sortie de quelques heures sur les routes de campagne, ou d’une journée à Québec, au musée. Claire offre l’occasion à trois vieux amis, trois zéclopés, d’approfondir leurs liens, de se pardonner tout manquement, de chacun vieillir, dirait le poète, en ayant « [l]’impression d’être aussi, parfois, ce rocher qui défie le soleil ».

    Pour conclure, j’aimerais que dans un tout autre registre l’on prêtât l’oreille à Terre blanche, un disque compact, une dense poésique, des textes écrits et lus par Guy Marchamps, une musique de Christian Laflamme, un air de famille, de quartier, avec comme seul horizon l’université Whitehead, la Wabasso, les machines où l’on sue, où l’on s’use, où l’on pleure une mère « au corps (…) naufragé », où l’on regrette un père « seul dans la nuit / lorsque ses mains sont devenues / tout à fait blanches ».

    J’aimerais qu’à mon dernier souffle il me restât assez de force pour quitter ce monde en ayant à l’esprit, dans le cœur et au bord des lèvres, trois vers de mon vieil ami, qu’il m’aiderait à formuler : « je porte ma mort / sur les épaules / elle voit plus loin que moi ».

    Guy Marchamps, d’innombrables chenilles s’impatientent. Elles savent que tu leur donneras des ailes. Que tu les mettras « en mouvement », mais cette fois dans les hauteurs, celles du langage. Le prix Adagio reconnaît ton parcours, ton œuvre, ta musique inspirante.

    S’en réjouissent tes enfants, tes petits-enfants, tes frères et tes sœurs, d’autres proches et de nombreux amis, nous sommes là, avec toi, pour te redire notre amour, notre joie d’habiter ton espace et, d’un seul mot, te bercer : merci. »

    — Christian Bouchard

Bienvenue au Salon du livre de Trois-Rivières!

Du 27 au 30 mars 2025 au CECI de l'Hôtel Delta

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